dimanche 24 octobre 2010

M’Bissine














Les traditions l’ont toujours magnifiée, ce qui semble à peu près certain, c’est qu’elle a dirigé un groupe de brigands, qui auraient attaqué et pillé de nombreuses caravanes et comptoirs de la région située du Sénégal jusqu’aux frontières de la Mauritanie et de la Guinée actuelles. 


Selon le Professeur Moradil qui a passé une bonne partie de sa vie à compiler les légendes orales et les rapports des compagnies coloniales du 18ème siècle elle aurait vécu à la fin de cette période, entre 1740 et 1820. Certaines lettres diplomatiques faisant état de plaintes sont conservées aux archives de Rouen, adressées aux gouverneurs des compagnies Africaines Françaises, elles demandent souvent des renforts armés ou des Fonds afin de lever des mercenaires pour combattre « la sauvageonne, la sorcière des sables, la méchantes négresses, la flibustière des dunes, la maure armée », les contes oraux Sénégalais la nomme de nom plus bienveillant, M’Bissine ou Blissine, La Reine Juste, La Morale ou la libératrice, ce qui prouveraient selon les recherches de Moradil que celle-ci attaquait et libérait les convois d’esclaves, qui s’engageaient ensuite dans ses troupes.

En 1778 une lettre du gouverneur de Port Louis fait état du siège de son fort durant 3 lunes par une armée commandée par une négresse. Vaincu, il finit par libérer une centaine d’esclaves qui devaient être embarqué pour les Amériques. Le gouverneur cite « la grande beauté de cette dame noire quasi nue, dont les soldats se sont montrés, justes et loyaux, ne touchant en rien et n’emportant que le tribu réclamé pour lever le siège, à nul commandant je n’aurait accordé plus sublime et noble victoire que cette femme splendide ». 


En 1765 déjà, une doléance conservée au muséum maritime de Bordeaux, répertorie les plaintes des négriers et compagnies négrières, mais aussi des check et autres chefs de tribus. Manifestement son armée fut suffisamment importante pour bouleverser pendant plus d’une quinzaine d’années tout le commerce de la région et limiter les implantations coloniales comme l’atteste la correspondance du ministre des affaires coloniales qui préfère dépêcher les compagnies vers « les terres au delà du Sénégal eu égard aux agissements de la Guerrière négresse et des ses scélérats ».

Dans son très beau livre « Abissine, l’éthique sauvage » de l’historien Moustapha Diakhoumpa, on découvre aussi tous les récits et poèmes liés à la légende de cette femme, on va en faire la maîtresse ou la confidente de certains rois, elle aurait aussi séduit des blancs, influant toujours le choix de ces hommes dans un but de clémence. Diakhoumpa fait le parallèle avec la symbolique de la vierge Marie, clémente face au jugement inflexible du père de son fils et des hommes. Une figure féminine maternelle et bienveillante.

Mais aussi la femme guerrière, féline et puissante, c’est une panthère « plus rapide et efficace qu’un homme » on vante ses qualités de combattante, mais aussi de chasseuse, elle est experte dans de multiples armes, « tuant un serpent à cents pas d’une seule flèche ». 


Là aussi l’historien convoque certaines symboliques et surtout fantasmes. M’Bissine devient une femme libérée, vivant une sexualité magnifiée, ses guerriers la protègent et l’aime de l’amour des chevaliers du moyen âge pour « la dame du roi » secrètement sans jamais la désirer autrement qu’une icône. Elle est un chef respecté et craint, ses jugements sont justes et définitifs. On la dépeint sous la tente de grands checks qu’elle tutoie, à l’assaut de villes fortifiées en plein désert, découvrant le trésor des pharaons ou le saint graal. 


Beaucoup de récits parlent des hommes qui l’ont désespérément aimé, se sont sacrifiés pour la sauver. Une petite littérature existe même sur sa descendance, on la dit aïeule de Chaka Zoulou, en un mot la légende s’est construite ensevelissant la M’Bissine historique. 


Au tournant du 19ème siècle on va même nier son existence, ses divers cultes seront condamnés par un Islam et une chrétienté misogynes. Il faudra attendre le début et le milieu du 20ème siècle pour la redécouvrir telles ces statuettes enfouies dans les sables la représentant. D’abord dépeinte comme une déesse elle deviendra un symbole du féminisme puis, au 21ème siècles de véritables études la rendront à ce qu’elle n’a jamais cessé d’être ; simplement elle même.

Au contraire de la tradition, elle incarna le futur et la modernité, la femme libre et égale à l’homme, le rêve d’une humanité débarrassée de ses inégalités, un idéal furieusement actuel.

Latsouck




















Toi qui a connu la chance de naître fort.
N’oublie pas que la loi que tu imposes ne te conviendra pas toujours.
Car né faible et près du sol, tu t’inclineras à nouveau devant ceux qui te remplaceront.

Et même ; ayant accumulé titres et richesses au fin fond de ton palais, la mort viendra.

Comme tous tu souriras narquois d’avoir cru.

samedi 18 septembre 2010

La Déesse Blanche

Plusieurs légendes orales ont été retranscrites et compilées par le professeur Mohamed Amren et une équipes d’étudiants dans le cadre de leurs mémoires de fin d’année au sein de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Les chercheurs Français concernés par « l’histoire de Blanche et Toumaï » ont en effet été contactés voici quelques années par le professeur Amren et Reza Youssouf Moradil (décédé depuis) spécialistes de l’histoire Sénégalaise et plus particulièrement des coutumes et contes oraux du 17 et 19ème siècle. Un long travail de recherche couvrant une région géographique s’étendant de la  Somalie  à la Namibie, a mis en lumière une récurrence dans la transmission d’un mythe oral. Une histoire, toujours la même se transmet de tribus en traditions.

Ces légendes remontent toutes, au plus tard à une source « alpha » située vers la moitié du 18ème siècle et située au Sénégal. Nous sommes alors en pleine traite négrière sur la côte sénégalaise. On retrouve toujours la même typologie et une même armature stylistique et scénaristique : une jeune déesse commandant à des bêtes fauves porte secours à un homme. Les histoires les plus anciennes décrivent une jeune femme blonde et blanche à demi nue entourée de lions qui aurait aidé un esclave à s’enfuir.

Les variations autour de ce thème sont multiples, beaucoup de déesses sont « couleurs locales » de type sémites, noires, arabes, voir même berbères, habillées suivant la période et les modes d’un pagne, d’une toge ou de burqa. Elles commandent à une troupe d’animaux bigarrés qui pareillement s’adapte à la faune locale. Ainsi on retrouve des éléphants, girafes, antilopes, fauves, bien sûr mais aussi crocodiles et hippopotames dans l’aréopage de certaines comptines des plateaux centraux. Des versions avec des hyènes, des loups, des servals, des chats (en basse Egypte), une version originale des montagnes la place même à la tète d’une meute d’ours. Le recoupement avec les recherches du groupe d’étude de la Rochelle atteste que ces légendes sont inspirées par Blanche Du Beauprés et de Toumaï qui ont séjourné dans l’un des forts ou tout du moins dans un des comptoirs Sénégalais. Nous avons notamment l’équivalent d’une annotation concernant un procès verbal dans une copie d’un registre de port Louis parlant de la nécessité de retrouver « la fuyarde criminelle Blanche de Saint Ange mariée Beauprés enfuy du forts de Bonne Espérance qu’il nous en est démandést l’arrestation et l’écrouage de par l’ordonnance d’étiquette du gouverneur de la resgion. ».

Si la trace du couple est avéré de manière succincte par les trafiquants d’esclaves de l’époque, on peut être surpris de la tradition orale, tout à fait indépendante qui a manifestement frappé les esprits des peuples africains contemporain.

Selon le Professeur Amren, c’est le symbole puissant de ce conte qui a fait que la légende s’est développée.

samedi 1 mai 2010

Paroles Sérères.




















Le destin a fait de moi un anonyme.
Un infime parmi les infirmes des sociétés.
J’aime ceux que les gravures de l’histoire ne remarquent pas.
Loin des rois, parmi la foule je suis la réalité.
Nous avons beau rendre la vie injuste,
La mort nous aime tous.

Tradition Orale Sérère attribuée à Toumaï. (extrait de : Paroles et traditions des peuples du Sénégal au XVIII ème siècle d’Antoine Obulé )





lundi 10 août 2009

Interview de Philippe Oloncourt pour la revue universitaire « La Recherche Historique » dans son numéro de juin « spécial XVIIIe siècle ».



LRH : Bonjour Philippe Oloncourt, vous êtes connu pour vos recherches historiques sur le XVIIIe siècles et notamment pour vos parutions sur l’évolution des mœurs et coutumes par strate géoéconomique, pourquoi vous intéresser à l’histoire de Blanche et Toumaï ?.

 

PO : Bonjour, tout d’abord j’aimerai qu’on comprenne que mes recherches sur la fuite de ce couple mixte n’est qu’une toute petite partie de mes centres d’intérêt pour le XVIIIe siècle. Elle est même carrément anecdotique en regard de nos recherches sur l’ensemble du XVIIIe siècle. Je rappelle aussi à vos lecteurs que je poursuis ces recherches avec Geneviève Sinard. Je dirai que c’est essentiellement un phénomène de mode qui a mis en avant cette recherche d’ailleurs très incomplète et à nos yeux bien moins intéressante par exemple que les mouvements Vendéens prérévolutionnaires ou l’émergence des métiers usuriers vers le milieu du 18e et leurs répercutions sur le climat économique qui conduit à la faillite du pouvoir royaliste aux yeux des commerçants Bourgeois.

 

LRH : Comment avez-vous vécu les accusations de certains groupuscules extrémistes qui vous ont accusé de travestir la relation entre Blanche du Beauprès et Toumaï son esclave ?

 

PO : Encore une fois, nous avons été totalement pris au dépourvu, nous ne pensions même pas que nos recherches intéressaient un pareil public. Nous ne romançons rien, nous sommes des chercheurs, nous n’avons fait que retranscrire des extraits de lettres et de procès-verbaux de l’époque, ou l’on voit clairement que Toumaï et Blanche était épris l’un de l’autre. À mon sens, cela montre surtout qu’au XXIe siècle la mixité amoureuse, semble poser encore des problèmes.

 

LRH : On vous a lu récemment réagir vivement à propos de la piste de Tarifa.

 

PO : Oui, j’ai juste jugé utile d’intervenir sur le blog de l’institut de recherche Historique de la Rochelle, à propos des commentaires qui étaient faits sur la clôture de la piste de Colette de Villécourre , que nous avons pris pendant un temps, à tort avec Geneviève comme la piste de Blanche. C’est d’ailleurs une histoire assez passionnante et tragique concernant une jeune fille de bonne famille qui était secrètement une enfant illégitime, un des frère étant tombé amoureux d’elle rendit publique le fait qu’ils n’étaient pas frère et sœur et pouvaient donc se marier. Aussitôt elle fût répudiée, le jeune frère se suicida et la jeune fille commença une errance qui la conduisit des côtes Atlantiques jusqu’en méditerranée, elle fut tour à tour courtisane, simple prostituée, mendiante et même « bandit de grand chemin » ce qui lui valut d’être poursuivi par la garde Espagnole. Geneviève avait trouvé la mention d’un jugement suivi d’un emprisonnement dans une gazette Ibérique, apparemment à l’extrémité de la péninsule, de là est partis toute une polémique sur le fait que Blanche et Toumaï seraient passés sur le continent Africain pour que l’esclave puisse retrouver ses racines etc… Malgré la publication de nos recherches, ou à cause, on nous a taxé de menteur, de cacher la vérité, c’était hallucinant, Geneviève s’est même fait insultée lors d’une émission régionale, le service de sécurité a dû intervenir.

 

LRH : Vous reprochez à certains de « passionner » le débat.

 

PO : Oui tout à fait, d’ailleurs pour nous historiens, il n’y a pas de débat, juste des hypothèses que nous tentons de vérifier. Mais il est certains que beaucoup injectent une énorme dose d’affectif dans cette histoire et préfère croire en leurs fantasmes qu’aux vérités forcément « moins spectaculaires ». C’est d’ailleurs pour cela qu’Eve Carion a dissous les associations liées à cette recherche.

En fait pour en discuter souvent entre nous, la principale crainte que nous ayons est de transformer un fait historique en mythe, en légende et c’est ce qui est, malheureusement en train d’arriver à « l’anecdote historique » que constitue l’histoire de cette jeune noble poursuivie pour meurtre tombée amoureuse de son esclave. On voit un nombre inouï d’apocryphes apparaître jusqu’à nos jours et les discussions, reportages et écris qui continuent encore aujourd’hui vont encore plus brouiller la vérité historique.

 

LRH : Vous faites allusions aux projets de feuilletons par TF1.

 

PO : entre autres oui, sachant qu’aucun historien compétent n’a été consulté par la chaîne, je me permets d’émettre quelques réserves.

 

LRH : On parle d’Harry Roselmack et de Virginie Elfira pour les rôles.

 

PO : Oui, je ne sais pas, ils parlaient aussi d’un footballeur et d’une ex-star du porno…

 

LRH : Clara Morgane.

 

PO : Peut-être, pour être franc, je m’en fous, ça ne m’intéresse pas, j’ai un étudiant qui m’a montré, il y’a peu une bd aussi, bourrées de fautes historiques, l’esclave n’avait même pas de perruque.

 

LRH : Vous l’avez lu ?

 

PO : Non, je n’ai pas trop de temps et je ne lis pas de bd, j’ai un peu passé l’age. Mais pour Geneviève et moi, l’actualité ne devrait pas avoir d’influence sur nos travaux et nous avons suffisamment de matériel à défricher, la littérature est déjà très abondante surtout au milieu du 19e où l’on voit clairement le « mythe Blanche et Toumaï » prendre corps.

 

LRH : c’est tout de même une forme de reconnaissance d’être ainsi mis en avant par les médias « populaires ».

 

PO : Honnêtement ça ne me fait ni chaud ni froid, Geneviève qui est plus photogénique que moi se serait bien passée par exemple de l’émission de Ruquier où on lui demandait la taille du sexe de Toumaï, ces grivoiseries ont d’ailleurs agacé des fans qui le lendemain se sont rendus à l’appartement de l’animateur pour manifester. Je ne sais toujours pas laquelle des deux attitudes est la plus navrante.

 

LRH : Il a été sévèrement molesté à ce qu’il paraît, mais tout de même il y’eu un très beau Théma sur Arte ou vous apparaissiez en compagnie de Yamina Nekaz et Eve Carion.

 

PO : Oui, j’avoue que certains font des émissions plus respectueuses de nos recherches, et nous laisse nous exprimer, même Thalassa nous a permis à plusieurs reprises de développer nos thèses, notamment dans le spécial « les amants interdits » du mois d’Octobre 2002, même s’ils privilégiaient la piste « maritime » alors que nous savons à présent qu’ils ont voyagé à cheval.

 

LRH : A ce propos des bruits court que vous seriez sur une piste « Turque ».

 

PO : Une piste Ottomane, mais nous avons bien d’autres pistes, nous ne communiquerons pas là-dessus, nous avons été clair avant cette interview.

 

LRH : sur le site de la faculté d’Histoire de Paris, on dit que vous auriez même pensé à l’Australie.

 

PO : Vous voyez c’est typique de ce sujet, c’est du grand n’importe quoi, et, à côté par exemple, on ne cite pas certaines découvertes très intéressante.

 

LRH : par exemple ?

 

PO : Et bien par exemple Jacques Hénin, qui a fait une thèse capitale pour nos recherches en recoupant son travail avec celui de Maximo Inervo et son groupe d’étude Italien ont mis en évidence que Yann Trévien aurait croisé la route de  Colette de Villécourre et l’aurait accompagné quelques années, ils ont sans doute eu une liaison.

 

LRH : et ?

 

PO : bah, rien, ce n’est peut-être qu’une coïncidence, mais elle est peut-être révélatrice de quelque chose. Non, remarquez ne publiez pas ce que je viens de vous dire, ça va encore faire des histoires, les passionnés vont se jeter là-dessus et demain ce sera n’importe quoi.

 

LRH : Pour conclure, qu’ont donc apporté les recherches sur Blanche et Toumaï ?

 

PO : Un nouvel éclairage sur l’aspect social des esclaves noirs au sein des sociétés blanches, à priori on doit nuancer l’image que l’on avait de l’esclave Africain, celui-ci maîtrisait sans doute la langue de ses maîtres, surtout la deuxième génération bien souvent née dans la société des esclavagistes, on peut aussi imaginer sans peine qu’ils devaient croiser aussi la culture et les idées de leurs maîtres, autrement dit on doit revoir l’image du noir idiot et inculte qui parle un langage approximatif, impressionné et craintif, c’était un être humain conscient, une évidence, mais que l’on doit rappeler. En plein XVIIIe siècle Toumaï était très conscient de l’horreur de sa situation et du paradoxe social qu’il représentait au sein de la société occidentale bien pensante et croyante. En fait une bonne partie de la polémique autour de Blanche et Toumaï vient du fait qu’on la considère par le prisme des restes de ce que j’appelle la pensée coloniale. Du côté de Blanche, je sais qu’une fois encore je vais faire grincer des dents, mais il ne faut pas réduire la relation qu’elle a avec Toumaï uniquement à une romance. Eve Carion a montré que Blanche avait lu quelques classiques féministes, je suis convaincu que ce qui l’a rapproché de Toumaï est autant une attirance amoureuse qu’une ressemblance dans leurs conditions réciproques. Deux opprimés qui ont tenté de fuir ensemble, c’est cela l’histoire de Blanche et Toumaï, c’est un sujet très contemporain, et qui malheureusement n’est pas près de se démoder.

 

Propos recueillis par Elise Pontin et Arnaud Calliste pour La Recherche Historique, revue universitaire du 21 juin 2009 à Caen.

jeudi 23 juillet 2009

Antoine Jacquemin et Olivier Toulet.

En attendant la suite de Blanche, je vous présente Antoine Jacquemin et Olivier Toulet, qui joueront un rôle infime et secondaire dans l’album.

 

Antoine est né sans doute non loin de Bourges dans un petit hameau paysan entouré de marais. On sait très peu de chose sur lui, quelques registres indiquent qu’il s’est engagé top dans l’armée après un mariage tragique. Il aurait perdu sa femme enceinte, morte d’une fièvre infectieuse propagée par les moustiques qui pullulaient alentour à l’époque. Le chagrin, le désarroi l’ont sans doute poussé à quitter le pays. On note qu’il a participé à plusieurs batailles comme soldat fantassin, il incorpore la cavalerie, rêvant de monter il sera relégué au rôle de palefrenier. Il postule alors pour les colonies ou les règlements plus ouverts lui permettent sans doute d’avoir son propre cheval, on perd sa trace à son départ de Saint Malo.

 

Ce que l’on sait par contre c’est qu’Olivier Toulet rencontre Antoine Jacquemin dans une garnison cantonnée dans les Alpes bordant l’Italie, on ignore ce qui les rapprocha car apparemment les deux semblent, par la suite inséparables, les recherches de Guido Quinquilla sur les postes frontières Français au XVIII siècle indiquent plusieurs pistes de réflexions, d’une part, ces postes Frontières étaient loin d’être de tout repos ; outre les guerres et batailles qui sévissaient encore de temps à autre à ces endroits stratégiques, les trafics de contrebande et les brigands qui tentaient de passer les frontières rendaient les postes militaires très actifs et prompts aux interventions, Il est possible que les deux hommes se soient rendus inséparables lors d’escarmouches les ayant rapprochés, on imagine sans peine la valeur que pouvait représenter le camarade qui vous sauvait la vie. Nous avons encore moins d’information concernant Olivier, Eve Mornay professeur d’histoire de l’académie de Cherbourg (L’homosexualité au XVIIIe siècle, Fayard 1982) suppose quant à elle que le rapprochement des deux hommes fut causé en partie par l’homosexualité d’Olivier, à ces époques l’engagement dans l’armée ou les ordres religieux permettaient de fuir une situation civile intenable. On perd la trace d’Olivier à partir du 7 mai 1742 date de l’envoi d’une lettre à un certain Alexandre de Carnout depuis un port Espagnol.




Suzanne De Carnout.

Ou Suzanna Vasques De Loyolia. Cette jeune femme de caractère qui fit partie des premières humanistes femmes n’a laissé aucun écrit ni œuvres ayant pu témoigner de son existence. Tout au plus certain universitaires, l’ont-il croisé au détour d’une citation ou d’une mention dans une lettre d’un de ces nombreux amants.

 

On estime sa naissance vers les années 1720 mais certains pensent que c’est beaucoup trop tôt, des commentaires d’époque la décrivant, jeune femme déchaînée aux tribunes révolutionnaires Française. Son père est sans doute le Comte Alessandro Vasques, fils de la fameuse famille Vasques, grands commerçants portugais et négriers célèbres. Sa mère, la comtesse Alicia de Loyolia  l’envoie à l’age de 13 ans à Rome puis à 16 ans à Paris pour y poursuivre ce que l’on peut appeler aujourd’hui des études, bien qu’à l’époque, étudier pour une femme est un non-sens social. La jeune Suzanna va donc aller de salons en réceptions croisant ce que le beau monde intellectuel ; humaniste, libertins, poètes et scientifiques comptait à l’époque, elle va apprendre « les arts » c’est-à-dire la musique, la peinture, la poésie, mais aussi la littérature et les sciences naturelles, la chimie, la physique, la géographie et l’histoire.Maximo Inervo a, en 2003, fait une étude remarquable sur la présence des premières femmes humanistes dans les œuvres du XVIII siècle, pour lui et le groupe d’étude Italien qu’il représente, Suzanne (prénom francisé) serait présente dans plusieurs œuvres de Watteau et Poussin, dont elle aurait été l’amante, ainsi que de manière certifiée dans au moins 3 livres d’auteurs différents. Ce n’est pas très étonnant sachant qu’elle fréquentera toute la société Parisienne humaniste de l’époque, celle qui posera les préceptes des droits de l’homme. Les mauvaises langues et la morale catholique de l’époque la calomnieront jusqu’au Portugal, ou sa mère devra même faire intervenir le Cardinal Auristo Montevino pour calmer les rumeurs au sujet de sa fille. Certains salons où se rendait la belle ibérique, il est vrai, ne faisaient pas que palabrer. Libertine et humaniste elle va tout de même devoir se marier à 25 ans avec un Duc Français, Antoine ou Alexandre de Carnout. On perd sa trace peu après son mariage, elle aurait suivi son mari aux Indes ou ailleurs. On la retrouve à la révolution, jeune veuve, elle aurait pris part à certaines insurrections aux côtés des gens de la rue, beaucoup de chercheurs dont Pascal Ariboise du centre d’étude historique de Paris estime que ces histoires sont une légende. Ce dont on est sur par contre c’est qu’elle évita de justesse la guillotine, là aussi plusieurs thèses s’affrontent, d’un côté sa condamnation serait due à son rang social (hypothèse commune) et elle aurait évité l’exécution grâce à l’intervention du consul du Portugal. De l’autre une version plus romanesque mais non dénuée de fondement, prenant part aux luttes intestines qui suivirent la révolution, elle contesta ouvertement l’attitude de certains révolutionnaires qu’elle accusait de vouloir spolier le pouvoir au détriment « du tout pour le peuple » amante de Danton ou Mirabeau (suivant les versions) elle aurait été condamnée par jalousie et sauvée par amour, mais là encore plusieurs versions s’opposent sur les amants et jalouseurs, voir sur les amantes et les amitiés secrètes de royalistes déguisés. Après la révolution, elle serait retournée au Portugal ou se serait exilée en Amérique, il existe une littérature de fiction aux Etats-Unis datant de la fin du 18e qui serait inspiré par son personnage sauvant des Indiens dans la pampa en conquistador féminin, ce personnage d’aventurière est, bien entendu, totalement mythique pour la majorité des chercheurs.

Aucune autre trace à ce jour n’a été formellement attestée concernant La Donna Suzanna de Carnout.

Reste l’Odalie du poète Italiano Français Nestor Filo qui fut sans doute son dernier amant.


Je me suis fait violence de ton absence

Essayé de perdre jusqu’au souvenir de ton sillage

Battements de cils et de cœurs

Tes ondulations, ton habitation

Le regret de tes bras frais

Le lointain de ton regard

Tout cela me perd.

Ô ma Suzanne.

 

Nestor Filo.